jeudi 14 octobre 2021

Pour en finir avec le complotisme.



Pendant des décennies sinon des siècles, la "théorie du complot" a largement failli à expliquer les aléas du monde, quand tant d'autres explications, militaires, économiques, sociales, techniques, "sociétales", offraient aux événements une grille de lecture mieux adaptée et plus conforme aux évolutions que chacun pouvait constater.



Cette fameuse "théorie du complot", réactionnaire, fut à juste titre réfutée, ridiculisée et réservée aux pauvres en esprit - auxquels, comme on le sait, "le royaume des cieux appartient". Imaginer une conspiration internationale d'hommes en noir, tirant les ficelles d'un théâtre de marionnettes pour amuser la multitude et la détourner des véritables affaires du monde, était une rêverie d'esprits malades ou de dégénérés abâtardis, jaloux de quelques belles réussites ou aigris de leur trop nombreux échecs : des ratés, en quelque sorte.

Que quelques philosophes et penseurs élaborent des théories expliquant, par la simple politique des échanges de produits concurrents, la richesse des nations et leur mouvement vers le progrès fut un temps satisfaisant. Les deux guerres mondiales du XXe siècle, qui ont vu l'effondrement de nombreuses illusions, ont pu raviver la paranoïa du conspirationnisme, notamment après l'avènement du communisme international et l'instauration de la guerre froide : Mac Carthy et Edgar Hoover - ils n'étaient pas les seuls - voyaient des complots communistes absolument partout ! Or il y en avait fort peu.

Avec la paix retrouvée, la théorie économique et quelques sociologues permirent à nouveau d'évacuer cette chimère délirante, qui ne revint sur le devant de la scène qu'avec l'irruption de l'âge digital et de la "toile d'araignée mondiale" : l'Internet. On doit aux auteurs d'anticipation et de politique-fiction l'essentiel de cette résurgence : ils avaient compris très vite quelle tyrannie du contrôle ce nouvel outil  numérique était en mesure de fournir aux pouvoirs politiques. Et il semble bien qu'ils ne se soient pas trompés…

Parce qu'il ne faut surtout pas croire que ce qui fut absurde par le passé soit condamné à le rester toujours. L'histoire est constellée de pensées farfelues ou ineptes devenues avec le temps des certitudes indépassables ; de la rotondité de la terre à l'héliocentrisme, de l'atomisme Lucrécien à la mécanique ondulatoire de de Broglie (d'abord raillée comme une "comédie française"... mais qui lui valut le Nobel de physique !), de la théorie de l'évolution à celle des germes pathogènes microscopiques...

Hélas oui, aujourd'hui, tout est en place pour faire de la théorie du complot une explication satisfaisante de la folle course de ce monde vers l'abîme : l'internet et la cryptographie numérique ; l'accumulation de plus en plus de richesses et de pouvoirs en de moins en moins de mains ; le contrôle de chaque individu par le programme "Echelon" et le traitement des "big-data" par des intelligences artificielles ; une mondialisation économique qui standardise la politique des états et le consumérisme des individus ; des "passes sanitaires" pour contrôler vos allées et venues ; bientôt une puce pour vous télécommander ; enfin la télévision et les media, propriétés quelques milliardaires, qui diffusent toujours et partout le même message hypnotique : "obéissez, taisez-vous, on s'occupe de tout". Ce "complot" n'est finalement que la défense bien comprise des intérêts d'une caste qui risquerait fort de perdre la tête si elle perdait le pouvoir...

Il est tout aussi stupide de voir des complots partout que de n'en voir nulle part ; à l'heure où l'impunité des conspirateurs leur permet même de montrer en pleine lumière leurs véritables objectifs et leurs méthodes ignobles, sans aucun risque de les compromettre. Il s'agit simplement de maintenir l'asservissement d'une masse de pauvres afin qu'elle continue de produire la vie rêvée d'une minorité de riches.  Rien d'autre. Ce que Debord avait d'ailleurs fort bien théorisé à la fin des années 80 : 

"Autrefois, on ne conspirait jamais que contre un ordre établi. Aujourd’hui, conspirer en sa faveur est un nouveau métier en grand développement. Sous la domination spectaculaire, on conspire pour la maintenir, et pour assurer ce qu’elle seule pourra appeler sa bonne marche."

La "bonne marche" du spectacle, la finalité de ce complot, auquel nous participons chacun à notre place, consiste à transformer ce monde en diverses marchandises, les marchandises en monnaie, la monnaie en colonnes de chiffres.

Si ce projet ne vous convient pas, il est peut-être temps de le faire savoir.

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