lundi 30 mai 2016

Boycotter l'élection présidentielle de 2017 ?.. Chiche !





Tout le monde en convient : les dysfonctionnements de notre société sont nombreux, profonds, omniprésents. Ils résultent davantage de l'échec de notre système politique que des crises mondiales parce que nos institutions ne sont simplement plus en phase avec notre réalité sociale. Les avancées culturelles et technologiques de ces dernières décennies ont mis en lumière l'obsolescence, l'iniquité, l'inefficacité de notre mode de gouvernement et du fonctionnement de l'État.

En premier lieu, toute la dynamique politique française repose sur l'élection d'un homme, réputé providentiel : le président de la République, sorte de monarque constitutionnel, à la fois centre de gravité et clé de voûte de notre système de gouvernement. Il peut pourtant être adoubé par une minorité du corps électoral ; il peut aussi être élu sur un programme, puis en appliquer un autre sans devoir faire valider cette volte-face par les électeurs ; il peut choisir comme chef de gouvernement n'importe quelle personne, même désavouée par l'électorat ; il appartient lui-même à la classe sociale des représentants-non-représentatifs. Le passage du septennat au quinquennat a d'ailleurs accentué la pression de l'élection présidentielle sur notre calendrier politique, notamment parlementaire.

Ensuite, le Parlement, censé représenter l'ensemble des citoyens, n'est plus composé que des membres d'une seule classe sociale : la caste des citoyens aisés, fortunés, voire opulents. La représentation nationale n'est pas représentative du pays réel. Elle n'est donc pas apte à le comprendre : comment pourrait-elle résoudre ses difficultés ? Comment demander à ceux qui profitent des inégalités de les réduire ?

L'appareil d'État est ainsi dirigé par des intérêts étrangers aux aspirations profondes de la population : éducation de haut niveau, système de santé accessible à tous, protection des citoyens, sécurité sociale, contrôle de la qualité de l'environnement (air, eau, nourriture...etc), imposition progressive et équitable, justice rapide et impartiale, intégrité des dirigeants.

À tout cela, héritage des deux siècles postérieurs aux Lumières, s'ajoute aujourd'hui une volonté affirmée des citoyens de participer aux décisions politiques et au contrôle des budgets publics. La technologie et les moyens d'information et de communication le permettent : des expériences de démocratie directe, de budgets participatifs, de conseils citoyens sont engagées dans de nombreuses collectivités, dont, par exemple, la ville de Paris et ses arrondissements. D'autres pays les utilisent.

Le seul blocage à une mise en adéquation de notre système politique avec les évolutions rapides de nos sociétés développées tient à la volonté des dirigeants – économiques et politiques - de conserver jalousement leurs pouvoirs excessifs. Il est vrai qu'il n'existe aucun exemple de privilégié ayant un jour, spontanément, par souci éthique, renoncé à ses privilèges : la nuit du 4 août n'a pu avoir lieu que sous l'inquiétante pression des révolutionnaires. Mais il est tout aussi vrai qu'une révolution ne permet pas nécessairement d'obtenir ces avancées décisives pour l'avenir des peuples, du peuple français en tout cas : la Révolution de 1789 n'a pas, comme on l'admet naïvement, donné naissance à une démocratie mais à diverses oligarchies, royalistes, impériales ou républicaines.

Nous nous trouvons aujourd'hui dans un fonctionnement de l'État qui ressemble chaque jour davantage à l'Ancien régime : monarque et ses obligés, cour nobiliaire, aristocratie, gardes prétoriennes, petits marquis et barons, cercles de candidats rarement roturiers. La copie est conforme !

Et loin derrière, un peuple qui invente, découvre, excelle et se désole. Son rôle a été réduit à celui de machine à produire beaucoup et à consommer peu, quand l'essentiel des richesses et des pouvoirs est confisqué par une petite caste parasite qui lui parle à l'impératif.
L'arme dont dispose le peuple, pour répondre à la violence confiscatoire de l'État, est double : économique (arrêt de la production, réduction de la consommation, grèves) et politique (désobéissance civile, manifestations, refus de vote). La seule que nous n'avons pas utilisée de manière organisée est le refus, la grève du vote : une abstention massive et concertée.
Il est peut-être temps de montrer aux dirigeants la puissance du peuple autrement que par l'explosion de la violence : par la force du refus.

Un boycott citoyen de l'élection présidentielle aura pour premier effet la sidération du personnel politique, habitué à venir caresser le pelage du peuple quelques semaines avant le scrutin pour s'assurer de la qualité de la laine.



Un boycott de la présidentielle aura aussi pour effet de passer directement aux élections législatives, qui porteront ainsi un nouveau message : « Les grenouilles ne veulent plus d'un roi ! ». Il rétablira l'ordre calendaire normal de la république : le peuple ne gouverne pas à travers son président mais par ses représentants, libres de leur vote et non contraints par la volonté Élyséenne.
Un boycott enverra un message fort aux partenaires européens et aux oligarques de Bruxelles : « les Français sont pro-européens mais souhaitent rester souverains. » Aux peuples de concocter entre eux de nouvelles architectures politiques pour parvenir à concilier ces deux termes. Peut-être une fédération d'États souverains, peut-être autre chose. Les peuples ne manquent ni de volonté, ni de courage, ni d'imagination, contrairement aux «happy few».

De toute façon, qui croit sérieusement aujourd'hui, que l'élection d'un président, un homme comme les autres, quel qu'il soit, pourra répondre à l'ensemble des doléances, des frustrations, des volontés contradictoires, des exigences qui sourdent du cœur des peuples en de début de siècle ?

Personne, à part sans doute les candidats à cette élection inutile. Les naïfs. Les archaïques !