mercredi 23 juillet 2014

Pourquoi je ne quitte pas le Parti Socialiste...

C'est de bon aloi ces derniers temps de publier des "lettres ouvertes", histoire de se flatter d'avoir encore assez de conscience pour expliquer pourquoi l'on quitte ce parti qui chaque jour trahit nos idéaux : réformes sans cohérence ni ambition, connivence avec le MEDEF, partialité dans le conflit Israélo-Palestinien, restriction des libertés collectives, renforcement de la monarchie républicaine, incapacité à juguler le chômage, à réduire la dette, sévérité envers les doléances de gauche, oreille attentive aux libéraux europhiles... J'arrête, on va croire que j'ironise.
L'erreur est évidemment pour ces déserteurs qu'ils se trompent de "conscience" : ils la croient politique alors qu'elle n'est que morale ; or on sait bien que ces deux là ne savent cohabiter que juste après les guerres, et encore pas longtemps. En temps de paix, jamais.
Seulement, tous ces "déçus du socialisme" se trompent aussi de colère : ils croyaient avoir un "gouvernement socialiste" parce que ses membres étaient pour la plupart issus du "Parti Socialiste"! Funeste erreur, et on comprend leur désarroi : depuis le Front populaire, un gouvernement n'est jamais de gauche. Sans doute par superstition. Il tente de le faire croire, parfois, en saupoudrant ses budgets de quelques pincées de mesures sociales, mais c'est pour entretenir l'illusion, et mieux faire passer des politiques pour lesquelles personne n'a jamais voté.
Non, une fois exfiltrés du PS pour entrer au Gouvernement, les impétrants deviennent membres d'un tout autre club que celui de leur parti, où l'on débattait, où l'on doutait, où l'on expérimentait : ils appartiennent désormais au "club de ceux qui décident".
Et "ceux qui décident" sont à l'écoute de "ceux qui savent", pas de ceux qui doutent. Eh oui : imaginez une politique qui ne saurait pas où elle va, qui dirait blanc le matin, noir le midi et finalement gris le soir, pour complaire ! Quelle aubaine pour l'opposition (Oh ! Wait...)
Et donc, pour convaincre le Parti du bien fondé de ses excellentes décisions, le "club de ceux qui décident", conforté par toute l'histoire de la Ve République, exige une loyauté sans faille de ses parlementaires : "pas d'histoire, je ne veux voir qu'une tête, vous ferez comme on a dit". Bafouant par là même le principe de la démocratie parlementaire. 
Et les parlementaires, qui pour la plupart n'en sont pas à leur premier mandat, expliquent doctement que "c'est comme ça qu'il faut faire : nous sommes une armée en guerre, pas d'état d'âme, on suit les ordres du chef !"... 
Et c'est vrai que les plus capés parmi les sénateurs et les députés n'ont toujours eu qu'à se féliciter de n'avoir jamais regimbé : ils sont toujours en place !

Tout ça pour dire que oui, bien sûr, à l'évidence, un parti se doit de critiquer les options douteuses d'un gouvernement, fût-il issu de ses rangs : à quoi servirait-il sinon ? Et les députés aussi, évidemment, doivent entrer en conflit, ouvert s'il le faut, avec les ministres qui trahissent, au nom d'un prétendu "intérêt supérieur" (à qui, à quoi ?) illusoire et brumeux, l'engagement des militants et les promesses des candidats.

Les choses sont ainsi plus claires quand le gouvernement échoue : le parti, au moins, n'est pas emporté dans un maelström de reconstruction pendant dix ans ! Il faut donc que nous cessions de confondre "le parti des socialistes" avec "le gouvernement de tous les Français" : ça n'est pas la même chose.

Parce que dans le clan de "ceux qui décident", en France, en Allemagne, en Finlande, tout le monde répète les mêmes incantations creuses : "la reprise est pour bientôt" ; "il faut favoriser les entreprises puisque leurs profits d'aujourd'hui sont les emplois de demain" ; "l'augmentation des salaires crée de l'inflation et du chômage"... Des sornettes, ressassées en France par les bons élèves de l'ENA, qui les tenaient de leurs doctes enseignants, qui eux-mêmes les avaient apprises de leurs vieux professeurs. Et ainsi se reproduisent les élites...

Voilà donc pourquoi je reste au Parti Socialiste : pour montrer que la démocratie c'est le débat et l'expérimentation, non le dogme ; pour faire entrer mon pays et mon parti dans le siècle nouveau, pour les débarrasser des pesanteurs mortelles de l'ancien ; pour que les gouvernements apprennent à écouter l'intérêt supérieur des peuples, que nous connaissons mieux qu'eux puisqu'ils le discernent à peine du haut de leurs G8 et G20. Pour qu'on en arrive, un jour, à une véritable démocratie, directe (la hantise de l'abbé Sieyès !) et non représentative, puisque nos représentants finissent toujours - mimétisme ?-  par représenter davantage "ceux qui décident" que "ceux qui les ont faits rois".

Bref, je reste au Parti Socialiste pour lui donner plus de force quand le gouvernement sera enfin de gauche.